Le 28 mars 2023, Me Loïc Parein, avocat à Lausanne, a participé au Grand Débat dans Forum (RTS) à propos de la création d’une infraction de féminicide.
C’était entre autre l’occasion d’évoquer le sens des mots, le principe de l’universalité du droit pénal et la prohibition des discriminations à raison du genre.
Dans le but de réfléchir à la question, voici 6 vrai/faux.
1) Le fémincide a été inventé par le mouvement #Metoo.
Faux.
Le féminicide est un mot-valise composé des termes « féminin » et « homicide », à l’instar des termes « parricide » (le fait de tuer l’un ou l’autre de ses parents) ou « infanticide » (le fait de tuer son enfant). Ce terme a été popularisé par deux féministes, Jill Radford et Diana Russell, dans leur livre publié déjà en 1992 intitulé « Femicide, The Politics of Woman Killing » (« L’Aspect politique du meurtre des femmes »).
2) Il n’existe pas de définition du féminicide en droit pénal suisse.
Vrai.
Le Code pénal suisse ne prévoit pas d’une infraction de « féminicide », de même que le Code pénal français d’ailleurs. En revanche, on retrouve une typologie du féminicide établie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans le contexte de la lutte contre la violence à l’égard des femmes (féminicide « intime », féminicide « au nom de l’honneur », féminicide « lié à la dot » et le féminicide « non intime »). Si contexte du passage à l’acte change, le dénominateur commun serait le fait de donner intentionnellement la mort à une femme. Une telle définition est entrée dans le Petit Robert en 2015.
3) Seul un homme peut être l’auteur d’un féminicide.
Faux.
Toujours selon l’OMS, l’auteur peut très bien être une femme. Cela étant, sur le plan statistique, les hommes commettent beaucoup plus souvent un féminicide que les femmes.
4) Le féminicide constitue un acte isolé.
Faux.
Le féminicide désigne au sens strict est un acte commis par un(e) partenaire ou un(e) ex-partenaire au terme d’un continuum d’autres actes de violence souvent caractérisée par une montée en puissance. Cela va de l’injure à la contrainte (sexuelle ou non), en passant par des violences physiques et les menaces. Même s’il arrive que la victime résiste, elle reste la cible d’un pouvoir dont elle ne peut se défaire.
5) Le féminicide n’est pas punissable.
Faux.
Même si le féminicide n’est pas ancré en tant que tel dans le Code pénal suisse, l’homicide, que ce soit le meurtre (art. 111 CP) ou l’assassinat (art. 112 CP), réprime l’acte de donner intentionnellement la mort à une femme. De plus, le fait que la mort intervienne au terme d’une succession d’infractions est un cas d’aggravation générale de la peine (art. 49 CP). Quant au fait de tuer la victime au seul motif qu’elle est une femme et/ou en l’ayant fait souffrir, c’est un facteur susceptible de justifier une peine sévère (art. 47 CP). Au surplus, même sans le décès de la victime, le Tribunal fédéral a de longue date consacrée la figure du « tyran domestique » qui comprend celle de l’auteur d’un féminicide (ATF 122 IV 1).
6) La création d’une infraction de féminicide est inutile.
Faux et vrai à la fois, il faut le dire.
C’est faux lorsqu’on pense au pouvoir désignateur accordé au droit pénal qui discrimine les comportements portant atteinte à la vie qu’il y a socialement lieu de punir en les nommant. C’est le cas du meurtre, de l’assassinat, du meurtre passionnel, du meurtre sur demande de la victime, etc. Sous cet angle, la création d’une infraction de féminicide pourrait rendre visible une violence typique faite aux femmes, à condition de s’entendre sur une définition. Nommer cette criminalité favoriserait alors une prise de conscience et la prévention en particulier. C’est vrai car la création d’une infraction n’est pas nécessaire pour punir un comportement correspondant aux définitions du féminicide. La situation est ici la même que pour le matricide. Sous cet angle, le droit pénal contient déjà des crimes punissant l’acte de tuer volontairement une femme, la peine pouvant allant jusqu’à la perpétuité en cas d’assassinat. Au surplus, une telle infraction pourrait être contraire au principe de l’égalité devant la loi interdisant de genrer les auteurs et/ou les victimes.